Transcript de la conclusion de l’épisode
Alexis Je vais passer le micro à Tristan, qui a la lourde tâche de conclure.
Tristan Merci Alexis. Alors là, si on avait les budgets, moi j’aurais déjà demandé à ce qu’on passe le générique de mission impossible ! Mais bon, on a pas les sous, donc on va faire “toum toum tou tou toum toum” Bon, voilà, c’était la version low-tech. Plein de choses qu’on a abordé aujourd’hui. Il faut d’abord commencer par le début. De quoi parle-t-on? Est-ce qu’on parle du secteur numérique, est-ce qu’on parle de la numérisation? et finalement, ce sont deux choses d’importance et de tailles différentes, qui couvrent des choses différentes. Et puis ensuite, puisqu’on a parlé, défini le numérique, il faut aussi définir essentiels. Eh bien, Alexandre l’a fait avec les attachements qui sont ce à quoi on tient et ce qui nous tient, et cartographier ces attachements pour les détricoter ensuite. Gauthier, pour sa part, lui, était plutôt dans les essentiels, à rapprocher de la pyramide de Maslow, pyramide qui est bancale, on se demande comment, parce que, quand même, avec le nombre de pieds qu’elle a, elle ne devrait pas ! Partir du principe que le monde allait être numérique. Et puis, se questionner plutôt sur la durabilité de ce monde numérique, sur ses impacts sociaux, ses aspects politiques et ses aspects économiques. Ensuite on a commencé à démonter des mythes. C’est ça, c’est Gauthier qui s’y colle. Numériser, c’est bien. Et puis se dire que, je cite, ouvrez les guillemets “la transition écologique passe par la transition numérique” Ben, en fait, on se rend compte que c’est plutôt une légende, qu’on fabrique un mythe, et qu’il a vocation à être une prophétie auto-réalisatrice, que c’est l’industrie qui est aux commandes pour faire que ça existe. Et que, en tant que chercheur, c’est pas facile, parce que, justement, ces rapports en faveur du numérique, ils sont biaisés dès le départ et que l’on ne peut pas s’appuyer dessus. C’est à dire qu’en fait, peu importe qu’il y ait une vérité scientifique dedans, du moment que ça raconte les trucs qu’on a envie qu’ils disent. Alors que, justement, la démarche scientifique, elle, elle n’a pas à chercher à démontrer quelque chose, mais plutôt à s’approcher de la vérité.
On a ensuite abordé l’épineux sujet des effets rebond. Alors ça, c’est quelque chose à mon avis fondamental dans tous ces sujets qui nous intéressent, c’est qu’à chaque fois, on a l’impression qu’on va réussir quelque chose, qu’on va réussir à décarboner un truc, mais en fait c’est l’effet rebond, de façon quasi-systématique, fait que nos espoirs sont déçus, sauf pour l’industrie, qui est très contente puisque finalement, elle vend plus de trucs. Et voilà. Alors qu’en fait, il faudrait aller vers la sobriété. Mais ça, on ne sait pas faire. On a par exemple le déploiement de la 5G qui a été exemplaire, la consommation électrique, globalement, a augmenté. On en est toujours à se dire qu’il va bientôt falloir décommissionner la 2G, alors qu’on est en train de mettre le sandwich de la 5G par-dessus. Et donc, inévitablement que ça soit en belgique, en chine, la consommation électrique augmente.
Gauthier, qui est ensuite sur la loi de Moore, deuxième mythe, qui, pour lui, est une planification de l’investissement. Alors ça moi j’adore, j’ai bu du petit lait, parce que la loi de Moore, c’est un peu mon dada, en quelque sorte. Pourquoi? parce que, en fait, planifier cet investissement permet de construire de nouvelles usines. Et ses nouvelles usines, eh bien, il faut qu’elles produisent plus, parce que il va falloir amortir, il faut toujours vendre plus pour amortir ses usines, qui coûtent de plus en plus cher.
Alexandre a demandé à quoi il fallait renoncer. Il nous a dit: il faut renoncer aux grandes plateformes. Mais il va falloir se dés-attacher, et ça c’est pas complètement gagné. Heureusement, Gauthier essaye d’apporter une petite couche d’espoir là-dessus. Il y a quand même un truc qu’on n’a pas réussi ou qu’on n’a pas voulu, qu’on a décidé de ne pas numériser, et pourtant, nombreux ont été ceux qu’on essayé, c’est le vote. Et que si on veut garder cette transparence, cette auditabilité, et bien, il ne faut pas mettre de numérique, il faut garder du papier dans des urnes transparentes. Ça aussi, c’est un de mes dadas.
Et Alexandre là-dessus avance que pour se demander si on va être numériquement sobre, il faut plutôt demander aux entreprises, qui ne savent pas répondre à ça. Ou ne comprennent pas ou n’arrivent pas à mettre un tel chantier en route. C’est plutôt de dire: face à un avenir incertain, comment est-ce que vous voulez faire évoluer votre entreprise? Quelles évolutions pour le business model? Et donc ça, ça va changer la direction à terme de l’entreprise et donc ça peut être beaucoup plus puissant à ce moment-là pour avancer au niveau de la sobriété du numérique.
Ce sur quoi Gauthier avance que numériser ou pas n’est pas binaire. Il y a 50 nuances de gris de la dénumérisation. Et non, ceci n’est pas un extrait d’un roman de Bruno Le Maire.
Et enfin, il y a des tensions et des arbitrages entre les usages civils et militaires. Ce qui m’amène à cette minute culturelle : en 1971 sortait le intel 4004, qui a un peu déclenché la loi de Moore. C’était le premier microprocesseur qui était commercialement disponible. Donc, ça a été le vrai début… Ouais enfin une sombre bouse quand même, mais incroyable, si ma mémoire est bonne, Gordon Moore avait énoncé sa loi dès 1965, soit six ans avant. Et pourquoi il l’a fait, comment il a pu le faire ? C’est qu’en fait, on s’est rendu compte a posteriori que des microprocesseurs, il en existait avant le Intel 4004, mais ils étaient dans des avions militaires et donc on ne pouvait pas les avoir. Et donc, la loi, la loi de Moore, n’a pas pu s’appliquer, ou elle s’est appliquée de façon invisible pour le grand public, parce qu’elle n’existait que dans le monde du militaire, et ce sur quoi je crois qu’on peut conclure.